GRAND REPORTAGE DANS MONROVIA (LIBERIA) LIVRÉ AUX SOUDARDS APRÈS LE PUTSCH QUI A TOUT DÉCLENCHÉ… 40 ANS APRÈS LES ATROCITÉS DE LA GUERRE CIVILE CONTINUENT D’ÊTRE JUGÉS (2024)

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GRAND REPORTAGE DANS MONROVIA (LIBERIA) LIVRÉ AUX SOUDARDS APRÈS LE PUTSCH QUI A TOUT DÉCLENCHÉ… 40 ANS APRÈS LES ATROCITÉS DE LA GUERRE CIVILE CONTINUENT D’ÊTRE JUGÉS (1)

NEWS NEWS NEWS C’est une victoire pour la justice internationale qui devrait faire réfléchir Vladimir Poutine et les militaires russes qui commettent des exactions contre les civils en Ukraine – comme on a vu en mars 2022 à Bucha (478 civils tués)… Quarante ans après, la «gravité infinie» des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés pendant la première guerre civile du Liberia (1989-1997) continue à être jugée en dépit de la fuite de ses principaux responsables – retrouvés peu à peu grâce aux efforts de l’ONG suisse Civitas Maxima.

Le lundi 10 octobre 2022, Kunti Kamara, arrêté en septembre 2018 à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, comparaissait devant la cour d’assises de Paris où il devait répondre de crimes contre l’humanité face à trois accusateurs libériens. Il fut le commandant du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo), une guérilla composée de Mandingues – un peuple important d’Afrique de l’Ouest, minoritaire au Liberia – qui combattait et cherchait à se venger de l’armée rebelle du chef de guerre Charles Taylor, le futur président du Liberia (1997-2003), lui même déjà condamné en mai 2012 à 50 ans de prison par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour des atrocités qualifiées en crimes contre l’humanité. Les charges retenues contre Kunti Kamara – « actes de torture et de barbarie aggravés » commis dans la région du Lofa – pourraient lui valoir la réclusion à perpétuité.

Ce procès faisait suite à celui conduit en mars 2021 à Bellinzone en Suisse, où le Tribunal pénal fédéral (TPF) a instruit le procès d’Alieu Kosiah, le commandant du groupe armé Zebra appartenant au même Ulimo. Le procureur Andreas Müller a estimé que des milliers de civils ont été tués par lui et ses hommes dans le comté de Lofa au Liberia d’une manière qui «a dépassé toutes les guerres en termes de sauvagerie et d’horreur». Vingt cinq chefs d’accusation, appuyés sur les témoignages de sept plaignants libériens, ont été retenus contre l’accusé : le recrutement d’enfants soldats, le viol en série et les agressions sexuelles, le pillage, la pire cruauté envers les civils, les meurtres et tentatives de meurtres répétés, la profanation de cadavre, les tortures, les actes de cannibalisme (de coeurs humains), la réduction à l’esclavage pour les transport forcés de matériel pillé ( cacao, générateurs, munitions…). Effroyable décompte…

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Alieu Kosiah, enfui en Suisse depuis 1998 et placé en détention provisoire depuis novembre 2014, niait son implication dans toutes ces exactions. Il a été le premier Libérien à être jugé pour des crimes commis pendant la terrible guerre civile et inter-ethnique libérienne opposant les Krahn, les Gios, et les Mandingues (1989-2003) qui a fait 250 000 morts et forcé deux millions de personnes à quitter leurs maisons, laissant un pays exsangue, ruiné et traumatisé par l’horreur des combats. Le verdict du Tribunal pénal fédéral est tombé le vendredi 18 juin 2021, Alieu Kosiah, a été reconnu coupable de 21 chefs d’accusation sur 25 et condamné à une peine de 20 ans de prison.

Le second procès des responsables des atrocité commises au Liberia, débuté en février 2021 en Finlande, a été instruit contre Gibril Massaquoi un ancien commandant du sanglant Front Révolutionnaire Uni, le RUF de Foday Sanko, étroitement lié au Front national patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor. Un tribunal finlandais menait les audiences suite à l’arrestation du prévenu enfui en Finlande. La Cour s’est déplacée en mars 2021 au Liberia même, une première de justice dans un pays où aucun tribunal n’avait jusqu’à présent jugé les crimes abominables commis pendant les guerres entre ces communautés – ce qui laisse un peuple traumatisé sans deuil et sans mémoire …

Il faut se féliciter que les autorités libériennes aient facilité la tenue du procès à Monrovia et que le ministre libérien de la Justice, Frank Musah Dean Jr, ait assisté aux audiences. Sur place, le procès a été largement couvert par la presse libérienne et internationale. D’après la plate-forme AllAfrica l’effort pour que justice soit rendue, la mémoire des victimes honorée, «n’a jamais été aussi forte» au Liberia – même si Gibril Massaquoi a finalement été acquitté et a obtenu l’immunité du Tribunal spécial de l’ONU après qu’il ait accepté de témoigner à charge contre ses anciens chefs. A ce jour aucun mémorial n’a été édifié dans le pays, aucune journée de deuil ou de souvenir n’est dédiée à commémorer les centaines de milliers de victimes, les tortures et l’enrôlement forcé d’enfants, générant un profond sentiment d’abandon et de résignation parmi une population choquée.

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En éclairage sur cette effroyable guerre civile, voici la version étoffée d’un reportage à Monrovia que j’ai réalisé pour le magazine Actuel en septembre 1981 avec le photographe Daniel LAINÉ, un an et demi après le putsch sanglant des caporaux et des soldats qui a installé le sergent-chef Samuel Doe au pouvoir – qui fut l’acte fondateur de la dictature militaire qui allait entraîner toute la région dans une guerre civile d’épouvante… Déjà à l’époque, trahissant les espoirs de la révolution populaire qui les soutenait, les militaires vivaient sur le pays, s’affrontaient entre factions et ethnies, terrorisaient la population, la gâchette facile, violant, régnant dans les rues, refusant de partager le pouvoir avec les civils et les forces politiques qui les avaient soutenus pendant le putsch qui avait fait tomber le président William Richard Tolbert qui dirigeait durement le pays depuis 1971…

REPORTAGE
I – dans Monrovia Livrée aux soudards…
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… Un an et demi après le putsch des caporaux du 18 avril 1980, les soldats sont les maîtres des rues de Monrovia. Au croisem*nt de Buchanan Street, à deux pas du quartier des ministères et des banques et ses immeubles en dur, une trentaine patrouillent sur les trottoirs, d’autres sont juchés sur une automitrailleuse, canon braqué sur le carrefour, plusieurs entrent et sortent d’un bâtiment officiel, claquant leurs rangers sur le bitume, toisant les passant, arrogants. J’en compte cinq variétés… les léopards, les verts chewing-gum, les verts caca d’oie, les kakis et les bleus pétrole. Une bonne dizaine est affalée au soleil, s’étirant sur des bancs, semblant cuver une cuite. Ils ne bougent pas d’un pouce, bâillent, se curent les dents, le nez, en regardant passer les gens. Quelques autres s’appuient distraitement contre l’automitrailleuse, fumant. Les derniers discutent avec des passants, achètent du Coca-Cola ou remontent lentement la rue en roulant des hanches, poignards et revolvers à la ceinture… Ils occupent la ville…

Depuis une demi-heure, je tourne en voiture dans Monrovia à la recherche des locaux du Daily Observer, le principal quotidien du pays. Monrovia est une petite ville en dur encercléz par un grand bidonville et une petite banlieue à raz du sol. Le centre actif, commerçant, moderne, se réduit à trois avenues trouées encerclées d’immeubles en ciment crépi à quatre étages. Tout autour, des bâtiments administratifs dominent des maisons basses et une multitude d’échoppes de bois et de parpaing protégés par des grands parasols de couleur. A peine quitté ce quartier d’employés sapés à l’européenne, de commerçants libanais, de soldats et de clients chargés, vous entrez dans la ville africaine. La misère se montre. Les maisons basses, en béton nu, n’ont plus de fenêtres, les baraques de planches et de toile poussent au hasard, la terre battue revient, la broussaille, des femmes en boubou imprimé, entourées de kyrielles d’enfants, chauffent les gamelles de riz et de manioc sur les feux de bois. Le Liberia reste un des pays les plus pauvres d’Afrique, le coup d’Etat des soldats et des caporaux qui a renversé un régime honni y a suscité d’immenses espoirs dans la population.

Elle déchante aujourd’hui. Les soldats vivent à leurs crochets…

Je remonte en voiture Benson Street, au centre ville, et passe devant une nouvelle caserne. Cette fois, la rue entière grouille de militaires. Un groupe de kakis siffle les filles, cinq léopards traînent de café en café, pistolet-mitrailleur en bandoulière. Pris dans l’embouteillage, j’ai le temps de les observer de près… ils sont très jeunes, beaucoup sont des nouvelles recrues, des paysans analphabètes fraîchement débarqués en ville comme j’apprendrai. La plupart friment outrageusem*nt, arrêtant les voitures d’un geste dédaigneux pour traverser, mimant entre eux des passes de karaté. L’un d’entre eux, un vert chewing-gum aux rangers astiqués, attrape une fille par le coude et la serre contre lui. Elle se débat, il l’empoigne violemment, lui roule de force une pelle et la relâche en s’esclaffant. Ce sont les maîtres de la rue.

Cent mètres plus loin, je longe le ministère des Armées, là, une troisième caserne. Sur le balcon garni de mitrailleuses, des soldats avachis regardent passer les voitures. Au carrefour, une dizaine de kakis poussent brutalement deux types, écartant l’attroupement des badauds de la pointe de leur gourdin. Je n’aimerais pas tomber entre les pattes de ces soudards. Car ce sont des soudards. La ville leur appartient. Ils sont brutaux et insolents. Capricieux. En meute. A quoi sert un tel déploiement de forces ? Qui protègent-ils en roulant leurs mécaniques ? Qui les menace ? Je ne comprends pas. La population marche d’un pas paisible sur les trottoirs, elle va au marché en plein air, sous les parasols de couleur, avec une lenteur débonnaire, je ne sens aucune tension, aucune animosité. Elle ne semble pas du tout prête à affronter les soldats. Au contraire, tous cherchent à éviter leur contact. Je m’interroge. Si ces bidasses en armes n’occupent pas la ville pour dissuader d’éventuels mouvements de foule, pourquoi sont-ils là ? Que craint la direction de la junte pour les faire déambuler dans les rues, partout, depuis un an et demi ? Une nouveau putsch ? Je comprendrais vite… la junte, leurs chefs, laisse faire. Qui pourrait faire rentrer les soldats dans leurs casemates, s’ils refusent ? A la caserne, ils s’ennuieront, seront jaloux des galons et des voitures des nouveaux généraux et finiront par comploter. Dans la rue, ils ont le pouvoir, ils règnent, ils se servent aux échoppes, ils s’amusent à faire peur, draguent les filles, les harcèlent, vivent sur l’habitant. Pourquoi arrêteraient-ils ? Qui les forceraient ? Ce sont eux la force.

Je trouve enfin les locaux du Daily Observer. Il fait très chaud, humide à l’intérieur, l’air est poisseux, la clim médiocre, le rédacteur-en-chef Kenneith Best s’étire avec nonchalance derrière un petit bureau en contreplaqué couvert de journaux et d’imprimés. C’est le patron du quotidien. D’un coup de canif, il ouvre un des paquets ficelés qui encombrent une table et me tend un exemplaire du journal né aux lendemains du putsch, le seul média indépendant du Liberia – un héritage de la période Tolbert.

Un titre énorme barre la une : « WEY SIEN EXÉCUTÉ ! ». Wey Sien ! J’arrive au Libéria un an et demi après le putsch sanglant des caporaux et des soldats qui a installé le Conseil de la Rédemption du Peuple et le sergent-chef Samuel Doe au pouvoir. Le général Wey Sien, le vice-président du gouvernement, vient d’être fusillé avec quatre de ses lieutenants pour sédition. Il n’est pas le premier gradé du Conseil liquidé. Le sergent Doe continue de décimer la bande des dix-sept soldats avec qui il a renversé l’ancien régime… Ici, pour mieux comprendre le drame qui se noue, un retour en arrière s’impose sur les dix huit mois écoulés depuis le coup d’état militaire…

II – Un PUTSCH de caporaux
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La nuit du 12 avril 1980, dix-sept jeunes soldats et caporaux dirigés par le master-sergent Samuel Doe, prennent leurs armes et enfoncent les portes du palais gouvernemental de Monrovia, la capitale du Liberia. Trois heures plus tard, ils ont fusillé le vieux président William Richard Tolbert qui régnait sur le pays depuis 1971, préservant la paix civile sous une main de fer, évitant les querelles entre ethnies et factions, muselant toute opposition. En tuant Tolbert, les putschistes mettent fin au pouvoir dictatorial du True Whig Party fondé par les descendants des esclaves Afro-Américains fuyant l’Amérique, installés au Liberia depuis 1816, où ils ont fondé la première république d’Afrique. Un rêve de liberté transformé en une redoutable tyrannie. Bien vite, ils ont dominé et mis au pas les Africains de souche, confisquant le pouvoir, alors qu’ils représentaient à peine 2% de la population – 4 à 5% aujourd’hui.

Avec ce coup d’Etat d’avril 1980, pour la première fois dans l’histoire du Liberia, des Africains indigènes, comme le sergent Samuel Doe, de l’ethnie Krahn, le caporal Quiwangpa, de l’ethnie Gio, tiennent le rênes du Libéria… Le lendemain de l’exécution de William Tolbert, des foules joyeuses venaient en dansant visiter les poteaux d’exécution où la junte avait exécuté de manière expéditive les principaux ministres de l’Ancien Régime. La population africaine applaudissait les soldats parce qu’ils avaient tué le dictateur et déclaré qu’ils allaient en finir avec la corruption, mettre à bas le système de parti unique et le colonialisme brutal, séculaire, des Afro-Américains. Dans les casernes, les caporaux envoyaient promener leurs officiers qui ne se montraient plus. Les étudiants et les opposants, hier traqués, manifestaient, se réunissaient, parlaient de socialisme et d’éducation du peuple. Et les dix-sept du People’s Redemption Council multipliaient les promesses : le prix du riz serait abaissé, les conditions de travail dans les plantations des colons allaient être surveillées. Déjà, dans l’armée, la solde avait doublé. Les soldats de l’AN 1 version Afrique de l’Ouest ?

Mais une révolution portée par un coup d’état militaire n’est pas un dîner de gala. Elle détruit un gouvernement, elle paralyse un pays, elle fait fuir les responsables, elle attise des haines profondes chez les anciens dignitaires, elle enclenche la violence, elle libère les revendications communautaires étouffées. Rapidement, elle doit apporter des solutions nouvelles, tenir les engagements pris dans l’euphorie de la victoire, commencer de reconstruire le pays et l’Etat, relancer l’économie, bâtir une diplomatie, préparer des élections, donner des postes aux ethnies écartées du pouvoir depuis si longtemps… Sans y avoir jamais été préparés, les dix-sept caporaux réunis en une junte, dont la moitié sait à peine lire, des paysans en uniforme (beaucoup portent des gris-gris pour se protéger des mauvais sorts et des balles), sans aucune aucune expérience politique et juridique, se retrouvent confrontés aux innombrables problèmes des lendemains de révolution. Avec qui vont-ils gouverner ? S’allier ? Sur quels fonctionnaires vont-ils s’appuyer, eux qui ne savent rien des rouages de l’Etat, ignorent tout du droit, des partis, de l’histoire du pays ?

Dés les premiers jours, les militants de partis politiques d’opposition à Tolbert, le Parti Progressiste du Peuple, le PPP fondé par Gabriel Baccus Matthews, et le MOJA (Movement for Justice in Africa) créé par un ancien ministre de l’économie, Topbana Tipoteh, tous deux socialistes et démocrates, les soutiennent. Mais ses militants sont des universitaires, des étudiants, certains ont fait leurs études aux Etats Unis. Ils préparaient le renversem*nt de Tolbert depuis plusieurs années et ne s’attendaient pas à se retrouver du jour au lendemain à la tête de l’Etat. Bien sûr, ils ont des idées politiques, voudraient organiser des élections libres, influencent certains des soldats, mais ils ne sont pas tout d’accord entre eux, ni avec tous les militaires – ni les militaires entre eux. Et puis, il faut résoudre les problèmes de survie immédiate du peuple, remettre en route le commerce et le port déserté, la production de fer et de cacao, alors que les ingénieurs et les coopérants, mouillés avec l’ancien régime, se terrent…

Ce n’est pas tout… Prenez le master-sergent Samuel Doe, le leader du People’s Redemption Council, le porte-parole de la junte. Il a pris la direction du coup d’Etat avec le soutien des dix-sept putschistes parce qu’il était courageux, formé par les « Bérets Verts » américains (les «special forces»), et qu’il avait déjà mené des soldats. Mais est-il capable de diriger un pays ? Et de quel droit garderait-il la direction de la junte ? Comment va-t-il le partager ? Avec quels autres militaires ? Quelles forces civiles ? De quelle ethnie ? Au bout de combien de temps une junte réunie à l’occasion d’un coup d’Etat commence-t-elle à s’entre-déchirer ? Comment interfèrent les ambitions personnelles, les tensions politiques, les représentants des puissances étrangères, et, en Afrique plus qu’ailleurs, les différents ethniques ancestraux?

La révolution du Liberia n’a pas été qu’un simple putsch de jeunes caporaux courageux. Elle a suivi de graves émeutes dénonçant l’augmentation du prix du riz, elle a été nourrie par une grande colère populaire parmi les différentes tribus du pays écartées du pouvoir depuis deux siècles, chez les fonctionnaires payés moins de 100 dollars par mois, parmi les opposants systématiquement arrêtés, poursuivis, battus par la police de Tolbert. Elle n’a pas étonné les observateurs internationaux, mais a considérablement choqué les voisins africains. William Tolbert était le président en exercice de l’OUA, l’Organisation de l’Unité Africaine, autant dire le porte-parole international du continent. Et voilà qu’une bande de jeunes soldats illettrés, sans programme, inconnus, le fusille sans autre forme de procès. Difficile dans ces conditions, pour les autres pays africains, de reconnaître du jour au lendemain la junte et ses caporaux « assassins ». Même si le colonel Kadhafi les soutient, les dix-sept du Conseil de la Rédemption du Peuple (le PCR) se retrouvent isolés sur la scène africaine et internationale, soumis aux pressions des blocs de l’Est et de l’Ouest, sommés de faire la preuve qu’ils ne sont pas juste des tueurs assoiffés de vengeance.

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III – Des faits divers inquiétants et un général égorgé

Retour au Daily Observer et à sa Une sur le général Wey Sien fusillé. En Europe, les médias l’ont présenté comme le « tribun parachutiste », l’un des plus populaires de l’armée révolutionnaire, mais aussi comme le leader de la tendance de gauche du People’s Redemption Council. A Monrovia, il se dit qu’il s’est plusieurs fois opposé à Samuel Doe sur des questions brûlantes : le choix des ministres, la fermeture du Bureau Populaire Libyen, l’antenne de Kadhafi à Monrovia,… Mal lui en a pris. Le jour de son exécution, le Daily Observer reproduit un déclaration du sergent Doe assurant que “son cher ami” Wey Sien préparait un coup d’Etat avec quatre autres membres du PRC. Convaincus de complot par le «Tribunal Militaire Suprême» , dont tous les juges ont été désignés par Samuel Doe, les cinq hommes ont été exécutés à l’aube…

Dans le bureaux de l’Observer, Kenneith Best lisse sa barbe grise :

– Wey Sien portrait un gri-gri qui le rendait invincible aux balles. Les soldats le savaient. Ils ont préféré l’égorger. Vous n’êtes pas habitué à la magie en Europe, j’imagine…

Kenneith Best manie l’humour à froid. Cet homme élégant, toujours en chemise banche, cinquante ans, a fait ses études à l’université de Monrovia, puis vécu à New York où il a obtenu une maîtrise en journalisme comparé en 1967. Il a été journaliste au Kenya et au Nigéria avant de lancer le Daily Observer à Monrovia. Il est connu pour ses sympathies socialistes mais reste prudent dans ses analyses. Il est intarissable sur les superstitions des militaires venus des campagnes, leurs croyances magiques et leurs grigris, les sorts qu’ils lancent à leurs ennemis. Je lui demande :

Pourquoi Wey Sien et Doe s’affrontaient-ils ? Wey Sien était pro-libyen et Doe, non ?

– Wey Sien n’était pas un homme politique mais un baroudeur. Pendant le coup d’Etat, il était toujours à haranguer l’armée. Samuel Doe, est plus réfléchi, mais il bégaye en public. Maintenant, il s’agit de redresser le pays, Wey Sien n’avait plus rien à faire…

– Alors, il complotait contre Doe ?

– Personne ne sait, mais c’est probable.

Je ne peux m’empêcher de sourire à l’apparition d’un conflit classique : le tribun contre l’organisateur, Danton contre Robespierre. Mais j’extrapole sûrement. Nouvelle question :

Mais le lieutenant Zuo, fusillé avec Wey Sien, revenait bien de Libye ?

– C’est vrai. Il admirait beaucoup Kadhafi. Il a dû influencer Wey Sien.

– L’armée n’a pas réagi aux exécutions ?

– C’est le général Quiwongpa qui dirige l’armée. Doe et Quiwongpa viennent du même village, ils se connaissent bien. L’armée leur obéit.

Et l’armée tient la ville, occupe les ministères, s’est emparé de tous les postes officiels.

A la rédaction, deux autres journalistes frappent furieusem*nt leurs machines. La jolie Cynthia, jeans, caraco bleu, vingt-deux ans, responsable de la page “Femme”, tient une pêche éblouissante. Toutes les cinq minutes, elle se lève, danse une espèce de rumba, claque des doigts, puis retourne à son article. Son copain Willy, lui, soufre sur son texte. Il vient d’interviewer le ministre de l’Agriculture et il a du mal à concentrer dix pages de notes en un feuillet bien envoyé. Je lui demande : – Tu dois faire relire ton article par le Ministre ?

-Pas du tout.

– Tu as le droit de critiquer ?

– Il faut faire gaffe, mais nous n’avons pas de censeurs sur le dos.

Pas encore ?

– Probablement…

Willy pose devant moi trois énormes classeurs. La collection complète du Daily Observer, l’histoire détaillée du Liberia depuis un an. La page quotidienne du courrier des lecteurs vaut le détour. Au fil des numéros, elle est devenue un immense cahier de doléances des Libériens. Voyez plutôt… Racisme : un jeune boy se plaint de sa patronne, une coopérante française. Elle l’a jeté à la rue, sans le payer, en disant: “Retourne dans ton village, abruti ”... Education : un jeune lycéen râle contre un professeur ignare, il voudrait que les diplômes libériens valent les européens, mais c’est impossible avec de tels profs… Campagnes : un paysan peste contre la formidable lenteur de la bureaucratie du ministère de l’Agriculture, etc, etc. La formule de la page du courrier est parfaite pour tourner l’éventuelle censure : le journal ne prend pas position mais la critique du régime et des abus de pouvoir passe puisque c’est le peuple qui s’exprime. Le rédacteur-en-chef Kenneith Best est un malin.

Le 3 mars 1981, un fait divers inquiétant m’interpelle. Un simple soldat a tué en pleine rue un camionneur après une engueulade pour une infraction minime. Le coup serait parti « tout seul ». Je me dis que si les soldats dégainent pour un feu rouge grillé, ils sont décidément les maîtres. Le journal reste prudent : il suggère qu’à l’avenir, l’instruction militaire soit mieux faite pour que les P38 ne partent pas si facilement…

https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2023/07/18/p*rnographie-de-la-demolition-les-temoignages-affluent-les-proces-sinstruisent/

IV – Comment la jeune junte SOUTENUE PAR LA POPULATION a dérivé en dictature

Habilement conseillé par Willy, épluchant la collection du Daily Observer, j’arrive à retracer les grandes étapes de l’histoire du Conseil de la rédemption du Peuple depuis un an. Une longue succession de périodes dures, militaristes, butées, puis d’ouvertures aux civils… Un mois après le coup d’Etat, les dix-sept putschistes se décernent tous un haut grade dans la nouvelle armée libérienne : voici les anciens caporaux devenus lieutenants-colonels ou généraux de brigade, comme Thomas Quiwongpa et Wey Sien. Seul le master-sergent Doe reste le master-sergent. Serait-il le plus honnête de la bande – ou le moins mytho, le plus réaliste ? Cela dit, cette montée en grade ne consolide pas le pouvoir des nouveaux généraux pour autant. Certains capitaines sont restés fidèles à Tolbert. Et les anciens officiers, parmi lesquels des descendants des Afro-Américains, ne supportent pas d’être commandés par leurs anciens caporaux venus des ethnies africaines comme les Krahn, les Kpelle et les Gio, pour eux des paysans ignares…

Grand classique des lendemains de putsch fomenté par une poignée de petit* gradés : au début de l’été 80, un quarteron d’anciens colonels et le général de l’armée de l’air tentent un contre-coup d’Etat. Ils échouent. La troupe ne le suit pas. La plupart sont fusillés sur le champ et le People’s Redemption Council réagit durement : il rédige une juridiction d’exception qui lui accorde les pleins pouvoirs sur l’armée et l’Etat, la direction de tous les ministères – le contrôle politique total du pays.

Imaginez maintenant ces dix-sept caporaux dans leurs bureaux de chef. Désorientés. Accablés de responsabilités. Obligés de décider. D’organiser. De trancher. Ils n’avaient rien prévu. Rien préparé. Il faut qu’ils apprennent sur le tas à gérer un pays, alors qu’ils n’ont aucune éducation, aucune formation. Bien sûr, les fonctionnaires de l’ancien régime les mettent au courant. Mais à qui faire confiance ? Ils ont peur d’être manipulés, trahis, ridiculisés…

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Début 1981, huit mois après le putsch, le déficit financier du pays s’aggrave chaque jour, les exportations de fer, de caoutchouc et de café ont chuté de 40%, inquiétant les compagnies étrangères qui ont investi dans le Liberia et les sociétés exploitantes. La question clef des alliances économiques et diplomatiques se pose drastiquement. Pendant ce temp, la Libye du colonel Khadafi multiplie les signes d’amitié à la junte. Elle signe avec le Libéria un contrat immobilier et construit une grande tour de bureaux à Monrovia. Des jeunes lieutenants comme Zuo sont reçus par Kadhafi et reviennent impressionnés : un vrai colonel révolutionnaire, tenant le pays d’une main de fer ! Wey Sien, la grande gueule des paras, proclame qu’il faut s’allier à la Libye – et par là, rentrer dans le bloc de l’Est.

Cette affaire libyenne déclenche la première grande crise politique du PRC. Maintenant, il faut choisir. Une voie libyenne, « socialiste », soutenue par Kadhafi et par Moscou, ou renouer avec les Etats-Unis, où beaucoup de Libériens aisés ont fait leurs études. Samuel Doe réserve encore sa position. Il hésite. Il ne va pas en Libye comme le vice-président Wei sien. En mai 1981, nouveau durcissem*nt. Les fonctionnaires civils, les commerçants, les gens du centre-ville, réclament le retour des soldats, omniprésents, brutaux, dans leurs casernes. Les militants politiques des nouveaux partis, eux, adoptent une stratégie centriste : ils pénètrent l’appareil de l’Etat militarisé pour tenter de faire passer leur programme de retour à un gouvernement civil. Ils citent l’exemple de Jerry Rawlings, le lieutenant ghanéen qui abandonna le pouvoir trois mois après son coup d’Etat de juin 1979 et organisa des élections générales pour rendre le pouvoir aux civils (je l’ai rencontré pour Actuel) …

Mais les dix-sept du PRC ne veulent pas entendre parler d’élections. En son temps, le fougueux caporal-géneral Wey Sien disait déjà : “Je ne vais pas m’en laisser raconter par des profs de philo ! “ Cela devient évident à la mi-1981. Une véritable dictature se met en place sous la direction de Samuel Doe. Le PRC se déclare à la fois parti unique et direction militaire. Il punit de mort toute forme d’opposition, la corruption, la fraude administrative, supprime les libertés de l’Habeas Corpus ( inscrit dans la Constitution de Tolbert ). Samuel Doe et le général Thomas Quiwomgpa poussent à la création de tribunaux militaires pour nettoyer l’armée de leur séditieux. La loi martiale est instituée, ainsi qu’un couvre-feu de minuit à cinq heures. Un décret enrôle de force dans l’armée tous les responsables civils du gouvernement : les politiciens alliés se retrouvent «majors» et s’habillent en kaki. Ils doivent désormais rendre des comptes à l’autorité militaire de toutes leurs décisions. Le pouvoir se verrouille.

Le sergent Samuel Doe, qui craint un nouveau contre-coup, s’entoure de proches de sa région du Grand Gedeh, de membres de son ethnie Krahn qui ont réussi, comme Baï Gbala un économiste formé aux Etats-Unis. Il s’allie à Thomas Quiwongpa, le caporal auto-proclamé général de brigade, son vieux copain de caserne, avec qui il allait en boîte et fumait des joints. Plutôt un joyeux luron le caporal Quiwongpa à l’époque, dit-on à Monrovia.

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Au mois de juillet 1981, les jeux sont faits. Samuel Doe choisit le bloc de l’Ouest contre la Lybie. Les Etats Unis accordent au Libéria un prêt de quatre-vingts millions de dollars et signent un accord de coopération militaire : cent formateurs et un destroyer seront envoyés pour renforcer l’armée. Doe n’a pas hésité longtemps avant de lâcher la Libye, mais il a négocié durement son passage à l’Ouest. L’aide américaine est le double de celle accordée à William Tolbert. Elle n’est pas désintéressée. Rappelons que la société américaine Firestone contrôle 72 % de la production du caoutchouc libérien, tandis que LAMCO (Liberian American Company) exploite les mines de fer. Renforcé, Samuel Doe en profite et se débarrasse de son cher ami Wey Sien le pro-lybien, devenu trop menaçant. Le master-sergent est devenu un homme politique. Il prend l’ascendant sur l’armée, sur le pays, et s’entoure d’hommes de son ethnie, les seuls à qui il fait confiance, il liquide tous ses opposants civils et militaires.

IV – Jouir du pouvoir

Nous revoilà au Dayly Observer, un jeune journaliste entre dans le bureau de Kenneith Best très excité.

– Hey, Cheapoo vient d’être limogé !

Cheapoo ? Ah, Ah, Ah ! Il faut que je vois cette histoire tout de suite ! s’écrie Kenneith Best. Il m’explique l’énervement général :

-Cheapoo est notre ministre de la Justice. Si vous l’aviez rencontré, il vous aurait tout raflé, magnétophone, appareil photo, jusqu’à vos derniers dollars, Ah, Ah, Ah ! Je n’aimais pas beaucoup Cheapoo. C’était un homme dangereux. Il y a trois mois, il a essayé de me descendre pendant une émission de télévision. Il avait sorti son revolver. Il me menaçait. Heureusem*nt, les techniciens sont arrivés à temps pour le calmer.

– Ce genre d’histoires arrivait souvent ?

– Cheapoo nous avait pris en grippe. Toute la rédaction du journal a passé une nuit en prison à cause de lui. Nous avions publié des lettres de lecteurs qui le critiquaient.

– Mais Cheapoo était socialiste…

– C’était l’avocat du Parti Progressite. Le matin même du coup d’Etat, il a rallié Doe et il a hérité du ministère de la Justice. L’erreur !

– Que s’est-il passé ?

– Il terrorisait tout le monde. Il prétendait arrêter n’importe qui. Il est devenu fou. Mégalomane. Ça a aussi été le cas pour plusieurs soldats. Ceux-là, c’est pas facile de s’en débarrasser, ils ont tous leurs bandes dans l’armée. Vous savez pourquoi on a viré Cheapoo ?

-Pourquoi ?

– Il a fait rosser Moses par ses gardes. Moses est le chef de la National Security Agency, qui dépend directement du People’s Redemption Council. Il avait refusé de s’asseoir sur une chaise que lui présentait Cheapoo… Cheapoo en a fait d’autres. Il y a trois mois, il revenait d’un voyage en Europe et transitait à Abidjan. Après deux heures d’attente, il remonte dans l’avion. Un Français lui a pris sa place. Cheapoo pique une colère terrible. A peine l’avion posé à Monrovia, il court dehors et fait encercler l’avion par les soldats. Le Français est arrêté, l’avion bloqué deux heures. Et Cheapoo réclame à l’UTA vingt mille dollars de dédommagement.”

Je trouve l’histoire de Cheapoo exemplaire. On a beau être l’avocat d’un parti progressiste, le pouvoir finit vite par vous griser, surtout soutenu par la force armée…

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La radio, qui passait du disco en sourdine dans les locaux du journal, interrompt brutalement ses émissions. Une voix grave annonce que le PRC vient de prendre une autre décision exceptionnelle : “Dans un geste de clémence et pour construire ensemble un Libéria plus fort, le PRC a décidé de libérer dix-neuf prisonniers politiques.”

Kenneith Best se frotte les mains : – Dites donc, c’est la journée ! Cheapoo limogé et maintenant dix-neuf libérations de bourgeois” – entendez, des anciens soutiens de Tolbert de la minorité afro-américaine aisée. La radio donne des noms.

– Des policiers, un ancien ministre de Tolbert, c’est pas mal, commente Kenneith Best. Samuel Doe veut rassurer. Je dois trouver un de ces types avant le bouclage…

La Presse, la bien nommée. Il sort précipitamment. Je l’accompagne jusqu’à une longue maison basse aux fenêtres grillagées de moustiquaires. Kenneith frappe à la porte. Elle s’entrouvre seulement. Après une minute de discussion, Kenneith revient bredouille : – Aucun commentaire. Les types ont peur. Dommage.

Nous revoici dans le centre-ville de Monrovia. Une meute affalée de soldats léopard et vert caca d’oie me saute dessus à l’entrée du mini Capitole, le siège du gouvernement, qui ressemble à son hom*ologue américain comme un croûton à une pièce montée. Trois d’entre eux occupent le bureau de l’accueil, renversés contre leurs dossiers, les autres sont assis par terre et blaguent entre eux. Deux gardes armés de mitraillettes me font signe. Le plus gros, un léopard en Ray Ban plastique me lance :

Vous cherchez quoi ?

-J’ai rendez-vous avec Mr Baï Gbala.

-Vous avez un ordre de mission ?”

Baï Gbala est le principal adviser économique du sergent Samuel Doe, il fait partie de la bande des conseillers civils qui marchent avec les militaires. Je sors la carte de presse que m’a délivrée la veille le ministre de l’Information – une directive circule, il faut laisser les journalistes étrangers travailler. L’officier en léopard la retourne dans tous les sens.

-C’est marqué temporaire là-dessus.

-Je l’ai eue hier.

– Il n’y a pas de date.

En fait ce soldat se fout totalement de ma carte. Il veut me charrier, montrer son autorité, ou peut-être me racketter. Un des soudards assis par terre m’interpelle :

-Vous n’êtes pas un espion avec des faux papiers ?

-Bien sûr, je suis envoyé en douce par une puissance étrangère.

-Par Kadhafi, je parie.

Je blague :

-Non, par Tête de Noeud, le roi de la Lune.”

Le gros à Ray Ban éclate de rire, ses bajoues agitées :

-La planète Lune, man, mais t’es venu comment ? A cheval ! Raff, raff !”

Toute l’équipée se tape les cuisses. L’hilarité est générale, si forte, si essoufflée que j’ai un doute. Je regarde mieux, mais ces yeux rouges, ce rire incoercible, ces hochements de tête précipités… ces gars sont défoncés jusqu’à la moelle. Ils passent leurs heures de garde à se vanner entre eux, emmerder les passants, et à fumer des joints et biberonner. J’imagine mal les réactions imprévisibles que peut entraîner la puissante herbe locale coupée aux amphétamines chez cette soldatesque. Ce que j’ai ressenti partout dans la rue depuis une semaine se confirme. Les soldats sont les maîtres ici. Vantards. Colériques. Personne n’ose s’opposer à eux. Ce sera difficile de les faire rentrer dans leurs casernes. Ils jouissent de la peur qu’ils inspirent. Les histoires d’abus de pouvoir, de viols, de tabassages courent dans Monrovia. Un régime militaire, c’est ce hall d’entrée du Capitole de Monrovia : l’impunité d’une bande de soldats défoncés qui jouent au chat et à la souris avec les civils. Parfois, ça finit bien, on lâche quelques dollars, mais on peut toujours tomber sur un soldat barjot, ou querelleur, qui vous tue pour une remarque, comme racontent les faits-divers de l’Observer .

Je sors la carte de visite de Baï Gbala pour impressionner les cerbères, le garde me fait signe de passer : “ OK, l’espion lunaire !”

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V – Rencontre avec un conseiller civil louvoyant

Une sirène déchire la rue comme j’entre dans le Capitole. Une longue Mercedes arrive à toute allure précédée de deux motards. Un géant en treillis en sort, encadré de gardes du corps. Je reconnais aussitôt la baraque : c’est le général Nicholas Podier, le deuxième homme du PRC, celui qui vient de remplacer feu Wey Sien à la vice-présidence du pays. Il passe en frappant le carrelage de ses bottes, brutal, entraînant derrière lui une demi-douzaine de soldats léopard. Je me demande s’il a encore un pouvoir réel ou s’il est une marionnette nommée par Samuel Doe pour plaire aux soldats. Une seconde suffit pour le savoir : le vice-président du Libéria est un chef para brutal suivi partout d’une bande d’ordonnances et de gardes du corps. Il impressionne. Il ne s’en laissera pas compter. Doe va-t-il le supporter longtemps ?

Je rejoins mon rendez-vous. L’économiste Baï Gbala, le proche de Samuel Doe, un Krahn qui a étudié aux Etats Unis. Un expert dans l’art de déjouer les questions dérangeantes.

– La politique, me dit-il, n’est pas un rendez-vous de beaux esprits. Je sais, on a dit que le PRC était composé de soldats incultes et peu préparés à diriger le pays. D’abord, c’est inexact : le Chairman Doe a son BEPC. Et puis est-ce si important ? Le PRC est dévoué au peuple libérien, il regroupe les plus jeunes officiers du pays. Qu’espérer de mieux ?”

Baï Gbala sort de l’excellente université de Minneapolis, USA. Il a rejoint le PRC un mois après la révolution. Il est une des figures de proue des nouveauxconseillers de la junte, pour la plupart des étudiants et des ingénieurs élevés aux Etats-Unis qui n’ont pas collaboré avec le régime Tolbert. Ils sont revenus quand le PRC leur a demandé un coup de main. Ce sont les premiers civils au gouvernement. D’autres viennent des jeunes partis de gauche, qui rédigent des rapports, décidés à influencer le bras armé. Tous numérotent leurs abattis. “Faut leur parler lentement aux soldats, il y en a qui s’énervent vite,” entend-on souvent à Monrovia.

On comprend bien qu’en un an Baï Gbala s’est rapproché du pouvoir et que Samuel Doe l’appuie. Son bureau est deux fois plus grand que celui d’un ministre. Il y a installé sa collection de pipes, douze photos de sa famille et un énorme transistor stéréo. Son discours sur l’excellent travail fait par la junte est parfaitement au point, débité sur un ton arrogant. Je cherche une faille :

– Je ne comprends pas pourquoi le PRC interdit les partis politiques ?

– Nous sommes dans une époque de transition. Il faut une direction unique.

– Mais vous savez comme moi que les transitions s’éternisent, les chefs s’accrochent au pouvoir…

– Le PRC est un pouvoir seulement depuis un an. Le pays est fragile.

– Pourquoi ne pas décrisper la situation politique ?

– Nous venons de libérer dix-neuf prisonniers politiques.

– Et l’occupation de la ville par les forces armées ?

– Raisons de sécurité.

– Vous craigniez d’autres Wey Sien ?

– Non, l’armée est assainie aujourd’hui.

– Les civils et les militaires s’entendent bien maintenant ?

– Bien sûr, les soldats sont disciplinés. On m’a moi-même nommé major de l’armée.

– Ça ne vous dérange pas ?

– Pourquoi ? Ça ne m’empêche pas de travailler.

– Je trouve les soldats arrogants. Ils font ce qu’ils veulent en ville.

– Vous exagérez.

– Vous en êtes sûr ?

– Tout à fait. Une autre question ?

– Vous faites de la politique ?

– Non, je supervise les décisions économiques. Les militaires ont du mal à traiter les affaires complexes. Alors c’est moi qui négocie avec les firmes étrangères.

Je sens au ton de Baï Gbala qu’il a su se rendre indispensable. Il ne regrette pas l’Amérique : ici, il est un type important. Il clôt rapidement la discussion.

Retour à l’hôtel Ducor, j’appelle Paris. Une barrière de nuages noirs tombe sur la mer. Il va pleuvoir à nouveau, une de ces terribles averses tropicales qui détrempent Monrovia depuis hier. En bas de la colline la longue lagune qui file vers le port est encerclée d’écume phosphorescente – et envahie par un grand bidonville surpeuplé, de bric et de broc, qui en dit long sur la misère du pays. J’obtiens enfin Jean-François Bizot, qui a écrit le premier article sur le Libéria, juste après le coup d’état. Je l’interroge sur Baï Gbala…

– Je l’ai vu débarquer de New York. Il avait été appelé par la junte et discutait chaque jour avec Doe. Gbala n’arrêtait pas de me dire qu’il était le seul à l’avoir connu petit, au village. Il me racontait le temps qu’il lui avait fallu pour se débarrasser des superstitions et devenir comme les Noirs américains modernes. Il tâtait le terrain pour jouer un grand rôle. Il s’inquiétait de l’interdiction des partis politiques. Il voulait un retour à la démocratie.

– Il a changé. Il défend la junte. C’est un des conseillers écouté de Doe.

– Ça ne m’étonne pas. Il rêvait de pouvoir et magouillait avec tout le monde.

– Dans la rue, les militaires étaient brutaux ?

– La foule et les soldats ont fraternisé un mois, pas plus. J’ai vu plusieurs fois des bidasses faire faire des pompes à des passants en pleine rue. Mais ils ne volaient plus. Les gens attendaient leur départ.

– Le PRC parlait-il de rendre le pouvoir aux civils ?

– Oula ! Pas du tout. C’est vite devenu la question à éviter. La junte ne voulait pas entendre parler de gouvernement civil.”

Déjà !

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Dans la journée, je fais le point de situation avec le Consul de France, déjà en place sous Tolbert, un bon connaisseur de l’Afrique. J’arrive à Monrovia avec une junte en plein bouleversem*nt. Après un an de pouvoir, le sergent Doe reste l’homme fort du régime. Il n’entend pas à rendre le pouvoir aux civils ni organiser des élections. Il a su se débarrasser habilement des grandes gueules de l’armée qui pouvaient le renverser, en évitant les remous chez les soldats. Il pratique une politique d’ouverture, espérant que la libération des anciens dignitaires de Tolbert va apaiser les rancunes accumulées depuis le putsch. Le pays va mal, l’économie a flanché, les hommes d’affaires et les bourgeois proches de Tolbert se sont exilés, les pays de l’OUA se méfient de la junte, le Libéria survit grâce à l’aide américaine. Nous sommes dans une sorte d’attentisme pendant lequel le sergent-chef Doe, qui a juste trente ans, apprend à diriger.

Toutes ses directives, ses revirements, relèvent d’un empirisme brutal et d’une crainte permanente de contre-putsch : il renforce ses pouvoirs le lendemain du coup raté des colonels ; il fait fusiller Wey Sien le tribun; il traite avec les Etats-Unis quand le pays est à deux doigts de la ruine économique. Quand va-t-il démarrer une politique cohérente ? Faire entrer les soldats dans leurs casernes pour libérer les commerces, associer à la gestion du pouvoir les fonctionnaires et les militants qui s’opposaient à Tolbert, pacifier les relations entre les différentes ethnies, accepter d’être conseillés par des experts, renouer avec ses voisins des pays africains alertés, accepter le retour d’un pouvoir civil et la tenue d’élections ?

Autre donne inflammable : pour savoir sur qui compter, Samuel Doe distribue les postes à des proches venus de la région du Grand Gedeh, appartenant aux Krahn, son peuple, un groupe ethnique important dans cette région comme en Côte d’Ivoire, mais très minoritaire dans le pays. Au consulat de France, un attaché m’alerte : « Maintenant que Tolbert a disparu, le risque est grand de voir les différentes ethnies du pays s’affronter, les Gio, les Kpelle, les Mano, les Krahn, les Mandingues… Tolbert les maintenait sous la coupe de l’Etat, il les a pacifiés par la force. En s’entourant de Krahn, Samuel Doe pourrait s’attirer les jalousies des autres communautés. Jusqu’ici il a été soutenu par les autres ethnies parce qu’il a mis fin à la domination écrasante des Afro-Américains, ultra-minoritaires. Mais cela pourrait ne pas durer. » Son allié du moment par exemple, le général Thomas Quiwongpa, appartient au peuple Gio, qui vit à la frontière de la Côte d’Ivoire. Si Doe n’en tient pas compte, s’il ne rassemble pas les différentes ethnies autour de lui, il pourrait bien s’en faire un ennemi – tout comme des Gios.

VI – L’ami libanais secret de Samuel Doe

Une nouvelle anecdote sur la latitude accordée aux exactions des soudards dans les rues. Avec Daniel Lainé, le photographe d’Actuel, nous remontons d’un pas tranquille le centre marchand de Monrovia. Une dizaine de cireurs de pompes nous lorgnent, on nous propose des noix de coco, des amandes, une paire de chaussettes. Je discute dans un magasin quand j’entends des cris terribles. Un soldat trapu pousse Daniel contre une voiture en vociférant. Il lui tient le col de sa chemise militaire achetée dans un surplus militaire américain à Paris, et hurle :

-Suis-moi au poste. Je t’arrête pour port illégal de tenue militaire.

-Mais, je l’ai achetée dans un magasin à Paris.

-C’est une chemise militaire. Au poste !

Une petite foule commence à s’attrouper. Des jeunes types en chemise cintrée, des employés. Ils disent au soldat :

-Laisse-le c’est un étranger. T’énerve pas.»

Mais le soldat continue à crier contre Danie. J’approche, en même temps qu’un policier très gêné, qui nous dit en aparté :

  • Rentrez à votre hôtel, vous avez une voiture ?»

Nous arrêtons un taxi. Aussitôt, le soldat agressif grimpe d’autorité dedans. Il réquisitionne la voiture. Ce qui nous sidère. Le policier hausse les épaules et s’éloigne, il ne peut rien faire face à un soldat. Un jeune type conseille à Daniel de retirer sa chemise et de mettre ma veste. On commence l’échange. Un autre passant s’approche:

– Vous avez des dollars ? Donnez-lui en vingt et ce sera réglé.

Un autre badaud l’engueule : – «Tu es fou, s’ils montrent leurs dollars, ils sont foutus !”

Daniel a fini d’enfiler ma veste trop longue pour lui. Furieux, le soldat se jette sur lui :

– «Enlève ça tout de suite ! –

– Non ! souffle un passant, c’est un piège. Votre copain n’a pas le droit d’être torse nu sur la voie publique.

Terrible dilemme. Daniel garde la veste. Le militaire furieux fait les cent pas sur le trottoir. Nous remontons dans le taxi. Il démarre enfin. Un des jeunes types sapés disco met sa tête à la fenêtre, hilare :

– On l’a bien eu, hein ! Il ne faut pas se laisser faire. Ils n’arrêtent pas de faire peur, de racketter. Ça fait trop longtemps qu’ils sont là.”

Ouf ! A Monrovia, il y a des jeunes qui ne roulent pas sur les trottoirs en rangers.

Nous voici au bâtiment de la chefferie militaire, une caserne austère. Nous avons rendez-vous avec le général Thomas Quiwongpa, le vieux pote du sergent Doe. Il y a trois ans, le caporal Quiwongpa passait toutes ses nuits en boîte. Devenu général, il a promis de ne jamais quitter la caserne tant que des baraquements décents ne seront pas construits pour ses soldats. La troupe le vénère pour ce geste. Les autres membres du PRC vivent dans des villas, mais pas lui. Quiwongpa reste avec les soldats, il contrôle l’armée pour Samuel Doe, et encore mieux depuis que ce braillard de Wey Sien a été fusillé. Jusqu’ici, il est demeuré fidèle à Doe. Pour combien de temps ?

Au bureau de presse, le préposé nous annonce que le général Quiwongpa ne donne plus d’interview. A chaque fois que le général a reçu un journaliste, l’affaire a mal tourné. L’article ne plaît jamais à Quiwongpa. Et le service de presse se fait insulter. Bon… On nous prévient : « Mais regardez la télé ce soir, Samuel Doe va s’adresser au pays ».

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A cette nouvelle, je file chez le docteur Kassas, un coopérant français m’a refilé un tuyau sur ce monsieur. Le docteur Kassas a très bien connu Samuel Doe avant le putsch, et le sergent l’admire beaucoup. Nous allons regarder le discours ensemble… Nous allumons la petite télé. Doe apparait…

– Ah, il a fait des progrès, beaucoup de progrès, sourit le vieux docteur Kassas en regardant le sergent Doe lire laborieusem*nt le texte de sa déclaration à la télévision.

Samuel Doe est en tenue de para, le visage barré d’épaisses lunettes fumées, comme un mafioso. C’est incroyable ce qu’il a grossi en un an et demi. J’ai encore en mémoire sa silhouette fine le jour de son premier discours. Voici maintenant un homme rembourré, épaissi, bien qu’il garde des manières un peu gauches.

-C’est bien, c’est bien, Sam…murmure le docteur Kassas, les mains sur le ventre.

Le chef de la junte commence à lire la liste des prisonniers libérés. Il trébuche toujours sur les noms. Le docteur Kassas se tourne vers moi:

-Il venait souvent s’asseoir là, à votre place, pour regarder la télévision. Ah, c’est un gentil garçon…

– Vous l’avez bien connu ?

– C’est un fils pour moi, je l’ai aidé à finir ses études secondaires. Il n’avait pas d’argent. Il vivait avec Quiwongpa dans un bidonville. Mais il voulait continuer ses études. Alors, je l’ai aidé.

-Vous le voyez toujours ?

– Il vient une fois par semaine. Quand il s’en va, il me dit “Au revoir, mon père”. Attendez je vais vous montrer…

Le docteur Kassas ouvre une armoire, en extrait une grande photo noire et blanche où posent le sergent Doe en uniforme , le docteur et toute sa famille. Sur le cliché, Doe a une bonne tête d’enfant sage. Kassas me tend une lettre signée : « Your son, Samuel Kanyon Doe ».

Je demande : – Et vous lui faites confiance ?

– Bien sûr. Tous ces jeunes types se sont retrouvés à la tête du pays sans même s’en rendre compte. Lui, Doe, veut bien faire.

Vous connaissiez Wey Sien ?

– Un fou dangereux, un paranoïaque, trois fois pire que Cheapoo. Il déclamait contre les Blancs, il extorquait des fonds à tout le monde. C’était un danger public. Depuis qu’il a été fusillé, Monrovia respire.

-Doe n’est pas un tendre.

– C’est un soldat, il a besoin de conseillers.”

Un vieux barbu parle maintenant à la télévision. C’est un ancien ministre de Tolbert qui vient d’être libéré. Il remercie, la tête basse, le directeur de la prison. Il a encore un peu peur. Les ministres de l’Ancien Régime devaient tous être exécutés. Suivent une dizaine d’autres civils libérés. Tout autour, leurs familles dansent, chantent des choeurs, comme à chaque cérémonie ici.

– Ce ministre avait été condamné à perpétuité, précise Kassas.

– Ça va calmer les esprits ?

-Doe a besoin de tout le monde. Il manque de techniciens, d’ingénieurs, de tout. Tous ceux qui ont fui le pays vont rentrer maintenant…

Le docteur Kassas a pris le ton rassurant. Il veut me convaincre de l’honnêteté de Doe. Ce vieux monsieur affable est un homme respecté à Monrovia. Il est le chef de la communauté libanaise qui détient à elle seule tout le commerce de détail de la ville, une flottille de caboteurs et plusieurs boîtes de nuit. Dès le lendemain du putsch, Samuel Doe en personne est passé voir Kassas pour le rassurer : aucun magasin ne sera pillé. Les Libanais ont quand même eu peur. Tous les soirs, les soldats tiraient des rafales dans les rues, rôdaient et réquisitionnaient les voitures. Il y a eu du pillage et Doe a dû faire fusiller trois soldats pour l’exemple.

Aujourd’hui le docteur Kassas écrit dans la presse pour défendre la liberté de commerce et d’entreprise afin de déjouer les défenseurs d’un socialisme à la Khadafi. Il n’est pas fâché qu’un journaliste européen vienne le voir car il espère que les Occidentaux vont investir au Libéria.

Je lui pose ma question obsessionnelle : – «Pourquoi les soldats tiennent-ils toujours la rue ?”

Le docteur répond, fataliste : – Le PRC a encore besoin d’eux.

– J’ai peur qu’ils annulent tous les efforts d’ouverture de Doe.

– La situation évolue. Le PRC a moins d’ennemis aujourd’hui. Bientôt la vie redeviendra normale.

– Et l’armée rentrera sans rechigner dans les casernes ?

– J’en suis convaincu.»

Le docteur Kassas a l’air d’y croire. Bon courage.

VII – Interdit de photographier «le Capitole», le siège du gouvernement

Retour au Capitole. Cette fois, la bande armée de l’entrée me laisse passer sans histoires. Dans le hall, je tombe sur notre photographe Daniel Lainé, très inquiet : – Partons d’ici, ils sont tous fous. S’ils te voient, ils nous embarquent. On est grillés. Je viens de m’engueuler pendant deux heures avec Gbartu. Filons avant les emmerdes !

Toute la matinée, Daniel a fait le pied de grue devant le bureau du général Podier, le vice-président, pour lui tirer le portrait. Au bout de deux heures d’attente, l’autorisation tombe brutalement : il a deux minutes pour faire des photos. Les portes s’ouvrent, il passe entre une haie d’honneur de soldats armés, les gens s’écartent et il tombe sur le géant Podier en treillis, assis très droit dans un fauteuil. Cinq photos et c’est fini, le vice-président se lève et part à toute vitesse suivi par sa horde de soldats. Daniel veut leur courir après mais le chargé de presse l’arrête : – Non ! Plus de photos.”

Plus tard, Daniel se balade autour du Capitole en prenant des photos quand un soldat kaki se jette sur lui : – Qui vous a donné la permission de faire ces photos ? Daniel sort sa carte de presse provisoire. – Elle n’est pas valable. Suivez-moi. Vous allez vous expliquer devant le général Gbartu.

Le bureau du général Gbartu, porte-parole du gouvernement, ressemble à la courée d’une maison africaine. Une trentaine de personnes discutent, grignotent des fruits et interpellent le général. Il y a là ses deux motards, son chauffeur, une dizaine de soldats, plusieurs femmes et sa famille. Gbartu s’entretient avec un champion coréen de Kung-Fu qui veut ouvrir une école à Monrovia. Notre général exécute des figures de karaté pour montrer qu’il a vu les films de Bruce Lee. Le cas de Daniel arrive sur le tapis. Le soldat kaki explique à Gbartu d’un ton agressif que Daniel photographiait sans autorisation le Capitole. Aussitôt, le général le fait venir.

«– Pourquoi ces photos ? – Pour mon journal. – Vous divulguez un secret militaire. Donnez-moi votre appareil.»

Daniel doit obéir. Gbartu a l’oeil buté, des gestes de petite frappe, et déteste être contredit. Les soldats regardent Daniel d’un air soupçonneux. Daniel, à court d’arguments, lance : – » Je viens de photographier le Vice-Président Podier !”. Un grand brouhaha s’ensuit. Les soldats, les civils se regroupent autour de Daniel. Chacun commente l’histoire et prend position. Un des soldats lance à Gbartu : – «Tu te rends compte, il a réussi à avoir Podier !” Le général éclate de rire. Jusqu’ici, Gbartu était resté très sérieux, il jouait son rôle de chef. Maintenant, il rigole avec ses reîtres. Les soldats lui tapent sur l’épaule, l’ambiance s’allège. Une discussion démarre sur le thème : a-t-on le droit de fumer de l’herbe pendant le service.

– » C’est pas bien, dit un des soldats.

– Merde, dit le type du service de presse, si je fais mon boulot, je vois pas pourquoi je fumerais pas d’herbe.

Gbartu le coupe, la voix grasse : – C’est comme moi, si je veux baiser six fois dans la journée et que je tiens le coup, pourquoi je m’en priverais, raff, raff ! Bon, vous, le photographe, revenez demain à dix heures. Je ne veux plus voir un journaliste au Capitole avant que cette affaire soit réglée. «

Daniel file au ministère de l’Information pour tenter de s’expliquer. Malédiction ! Le général Gbartu est déjà dans la place. Ses soldats occupent le hall d’entrée. A l’étage, le général engueule le ministre :

– Un journaliste a fait des photos du Capitole, qui lui a donné sa carte de presse ?”

Deux jeunes advisers civils essayent de discuter : – » Nous avons lu un excellent article de son magazine sur l’Afrique du Sud. C’est un journal anti-raciste. Pourquoi l’empêcher de travailler ?

Je ne veux pas le savoir ! tonne Gbartu. Les journalistes doivent s’adresser au service de Presse du gouvernement !”

VIII – Vont-ils un jour rendre le pouvoir aux civils?

En vérité, le général Gbartu veut surtout montrer son autorité sur les civils. Les jeunes advisers s’écrasent devant lui mais ils supportent mal de ramper. Un monde sépare ces militaires de la campagne, habitués au combat, et les jeunes conseillers de gauche pour certains sortis des facultés américaines. La plupart sont proches du Parti Progressiste du Peuple. Ils veulent mener une politique sociale, éduquer la population, réformer le travail, rendre les pouvoir aux Africains, organiser des élections. Ils ont fait du centrisme pour pousser leurs idées, et maintenant ils piétinent, impuissants. Combien de temps ces deux fractions vont-elles se supporter ? S’ils sont capables de s’engueuler pour cinq photos prises par un journaliste, comment font-ils sur les sujets graves. Qui va l’emporter ? Les fonctionnaires éduqués ou les militaires au pouvoir ?

Quant aux militants des deux partis socialistes opposés à Tolbert, où sont-ils passés ? Ils étaient pourtant nombreux avant le coup d’Etat. Ils ont soutenu Doe et la junte dès le premier jour à l’époque encore euphorique de la révolution. Les jeunes caporaux les avaient sortis des prisons de l’ancien régime. Les deux partis adoptaient alors une stratégie de coopération avec le PCR pour ne pas froisser les militaires, ils prenaient des postes dans les ministères, mettant leur drapeau dans leur poche. Baccus Mattews, Tipotheh, les leaders du Parti Progressite du Peuple et du Movement for Justice in Africa montraient l’exemple. Le premier devenait ministre des Affaires Étrangères, le second dirigeait les Finances. Les caporaux avaient besoin d’eux pour remettre le pays en marche, et eux pensaient que les caporaux, incapables de gouverner, finiraient par retourner dans leur casernes.

Un an plus tard, les résultats de cette politique d’entrisme a échoué. Les partis sont toujours dissous et la junte reste la seule organisation légale. La presse des partis a disparu. Tout débat politique se fait en coulisses. Aucune grande réforme n’a été entreprise malgré les promesses répétées de la junte. les élections sont reportées sine die. Que reste-t-il aujourd’hui des jeunes opposants d’hier sinon des hommes éparpillés dans les ministères ?

Une récente décision du People’s Redemption Council a dérouté ces militants : la hausse du prix du riz. Le riz est l’aliment de base à Monrovia. Une année avant le coup d’Etat, le Parti Progressiste du Peuple avait organisé des grandes manifestations contre le régime Tolbert. Elles avaient tourné en émeutes. Une révolution avortée. La police de Tolbert avait tiré dans le tas et fait deux cents morts. Pourquoi les gens et les militants étaient-ils descendus dans la rue à l’époque ? A cause du riz trop cher.

Cette fois, les socialistes n’ont pas bougé à l’annonce de la hausse. Pas un tract, pas une déclaration. Rien. Mais comment auraient-il pu tirer un tract de toute façon? Ils n’ont plus de locaux. Plus de ronéo. Plus de presse. Ils sont devenus incapables de mobiliser quiconque, et le peuple a peur des soldats omniprésents. Ils sont piégés par leur stratégie : être au pouvoir sans l’avoir leur permet tout juste de râler en coulisses.

Cette marge de manœuvre minuscule a fini par écoeurer Tipoteh, le leader du parti d’opposition à Tolbert, le Movement for Justice in Africa (MOJA). Le 15 août 1981, il profitait d’un voyage d’affaires aux Etats-Unis pour s’exiler. Il ne voulait plus cautionner la politique dictatoriale de la junte. Le démocrate Baccus Mattews, à l’étranger à cette époque, était aussitôt interrogé : Allait-il rentrer ? Sa réponse fit la une du Daily Observer : “Je reviendrai”. Le 10 septembre, quand je quittais le Libéria, Baccus Mattews n’était toujours pas revenu.

Me voilà au ministère de l’Agriculture bardé de questions. Les militants de l’ancien Parti Progressiste du Peuple y sont nombreux. Ce qui me fait sourire : que se passe-t-il dans la tête d’un progressiste quand on s’est fait tirer dessus pour avoir protesté contre les hausses des prix du riz et qu’un an après on se retrouve au ministère et que les prix s’envolent encore? A la Direction Nationale des Coopératives, un jeune fonctionnaire m’explique comment il veut liquider la bureaucratie responsable des hausses. Une affiche est collée au-dessus de mon bureau : “ Je suis fier d’être paysan “. Il se bagarre depuis des mois pour faire passer ses idées dans son service. Même isolé, il s’accroche. Il se défend :

– La bureaucratie était inimaginable sous Tolbert. Quand des paysans voulaient se regrouper, il leur fallait passer de bureau en bureau et soudoyer les fonctionnaires pour qu’ils décident le ministre d’agir. Corruption, bureaucratie, ça marche ensemble.

– Et maintenant ?

– Maintenant, c’est tout simple. Quel que soit le problème, on vient discuter directement avec moi. Plus d’intermédiaires.

– Vous n’êtes pas débordé ?

– Ça arrive, mais bon, les paysans savent maintenant qu’il y a un type sur qui ils peuvent compter.”

Ce militant croit encore qu’il va changer le régime militaire de l’intérieur. Bonne chance.

GRAND REPORTAGE DANS MONROVIA (LIBERIA) LIVRÉ AUX SOUDARDS APRÈS LE PUTSCH QUI A TOUT DÉCLENCHÉ… 40 ANS APRÈS LES ATROCITÉS DE LA GUERRE CIVILE CONTINUENT D’ÊTRE JUGÉS (12)

Onze heures et demi PM. Il va falloir bientôt rentrer. Le concours de danse disco s’achève au Carlton, la seule boîte un peu animée de Monrovia. Quelle frime ! Les types font les malins, ils jouent les Travolta et prennent des poses. Les filles secouent leurs nattes rasta et roulent des hanches à faire frémir. Tout le monde crie et chante. C’est la première fois que je me décrispe dans cette ville maudite. Sur la piste Claudia danse. Elle me rappelle irrésistiblement la girafe du zoo de Vincennes dont j’étais tombé amoureux étant gamin. Le premier soir de notre rencontre, Claudia m’a fait du gringue. Le second, elle est arrivée à mon hôtel avec une casserole d’antilope fumée. Le troisième, elle m’a demandé d’intervenir pour avoir un visa pour la France. Elle n’en peut plus plus de Monrovia. Elle craint les militaires comme la peste. J’ai tenté le coup au consulat. On m’a répondu : vous savez, elle est sans doute plus heureuse ici avec sa famille et ses copines qu’exilée en France, analphabète, sans parler français, coupée de toutes ses traditions, soumise au racisme…

Je vais boire une bière au bar où deux énormes parachutistes américains traînent tous les soirs. Ils font partie des cent « bérets Verts » dépêchés avec le destroyer pour entraîner l’armée libérienne – et remercier Samuel Doe d’avoir refusé de s’associer à Kadhafi et au bloc de l’Est. L’un d’eux me dit : “Y glandent rien de la journée ici, ces cons de soldats. Va falloir leur remuer le cul dans la jungle. Ah, Ah Ah !” Je leur demande ce qu’ils pensent de Monrovia. L’autre me répond : “ Un cauchemar Monrovia. Je n’ai jamais vu une ville aussi triste et déprimée. On y vit traqué, les soldats s’emmerdent, il faut sans cesse faire gaffe. Le soir, les putes vous coincent dans les couloirs. Les clubs sont minables. C’est affreux !

Onze heures quarante-cinq. Je sors chercher un taxi. Comme d’habitude, j’ai confié ma montre et tous mes dollars à Claudia. Me voici très crispé sur le trottoir. Miracle, un taxi passe. Je me rue dessus. J’ai encore la main sur la porte quand ils se jettent sur moi. Comme tous les soirs. Cette fois, ils sont quatre de quinze, vingt ans. Personne ne risque de m’aider : les soldats ne viennent jamais dans cette rue le soir. Les loubes me collent contre la porte. Je les repousse en gueulant. Ce n’est pas une vraie bagarre. Ils me bloquent pour me dépouiller, c’est tout. Mais je n’ai rien. J’arrive enfin à ouvrir la porte du taxi et je m’engouffre. Je passe ramasser Claudia et nous rentrons à l’hôtel en rêvant de balades avec sur les plages phosphorescentes de la lagune. Le couvre-feu en Afrique, à minuit, l’heure la plus agréable de la journée. Quelle connerie la dictature.

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LIBERIA

Vous connaissez la suite ?

la première guerre civile démarre en 1989 Samuel Doe finit très mal
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Dans les quatre années qui suivent le putsch de 1980, le People’s Redemption Council dirigé par Samuel Doe élimine toute opposition, vivant dans la hantise d’une tentative de contre-coup d’État. Malgré tout, sous la pression des forces civiles et des Etats-Unis, des élections présidentielles sont finalement organisées le 15 octobre 1985, peu de temps après la levée de l’interdiction des partis politiques. Les résultats officiels donnent le National Democratic Party of Liberia de Samuel Doe vainqueur avec 50,9% des voix, juste assez pour éviter un second tour.

De nombreux observateurs indépendants ont estimé que l’élection a est frauduleuse et truquée. Il a été révélé plus tard que les partisans de Doe avaient fait compter les bulletins de vote dans un endroit secret, sous leur seul contrôle. Devenu président, Samuel Doe va essuyer un tentative de putsch raté dirigée par Thomas Quiwongpa, tout en continuant à exercer pendant quatre ans un pouvoir dictatorial sur le pays, s’appuyant sur des membres de la communauté Krahn, la sienne, les favorisant outrageusem*nt au profit des ethnies Gio et Mano.

En 1983, Charles Taylor, un conseiller de son gouvernement, est accusé de détournement de fonds et emprisonné. Il s’enfuit aux Etats-Unis, puis retourne en Lybie, où il est entraîné, puis en Côte d’Ivoire, où il rassemble un groupe de cent soldats libériens décidés et de rebelles, principalement issus des groupes ethniques Gios et Mano. Ils envahissent le comté de Nimba le 24 décembre 1989, décidés à destituer Doe. L’armée libérienne, l’AFL, riposte avec violence contre l’ensemble de la population de la région, attaquant des civils non armés, incendiant des villages Gio et Mano.

La première et affreuse civile libérienne a commencé. Des milliers de civils sont massacrés de deux côtés, parmi les ethnies Krahn et Gio.… Des milliers de réfugiés quittent leurs villages

En mai 1990, les forces de Charles Taylor, le Front patriotique national du Libéria (NPFL), de plus en plus nombreuses, recrutant de très jeunes recrues Gio, assiègent Monrovia. Les morts se comptent par milliers. En juillet 1990, une nouvelle guérilla se lève, menée par un ancien proche du général Quiwongpa, Prince Johnson, longtemps allié à Charles Taylor. Il lance contre les troupes de Doe sa propre force armée, le Front patriotique national indépendant du Libéria (INPFL), lui aussi appuyée sur la tribu Gio.

Les seigneurs de guerre s’installent au Libéria… Pour des années…

Monrovia est encerclée par les deux troupes. Le 29 juillet, 600 personnes, enfants compris, réfugiées, dans l’église luthérienne Saint-Pierre de Monrovia, principalement des Gio, sont assassinées par les troupes de Doe, principalement des Krahn. Le Libéria fait irruption à la Une de l’actualité internationale : le monde découvre les horreurs qui s’y déroulent

Le 6 septembre 1990, la petite armée de Prince Johnson s’empare de Samuel Doe venu inspecter ses troupes à Monrovia. Sa mort est atroce. Il est torturé. Il a les oreilles et les doigt coupés. Son corps mutilé est exhibé nu dans les rues de Monrovia. Une vidéo tournée pendant l’assassinat circulera dans toute l’Afrique de l’Ouest. On y voit Prince Johnson boire une bière pendant que ses soldats arrachent une oreille à Samuel Doe.

Mais les soldats et les partisans de Doe veulent se venger, et se réfugient en Sierra Leone pour contre-attaquer. Ils forment le United Liberation Movement of Liberia for Democracy (ULIMO) (majoritairement de l’ethnie Krahn, associés à des réfugiés mandingues) et mènent depuis la Sierra Leone des attaques contre le National Patriotic Front of Liberia (NPFL) de Charles Taylor. De nouvelles atrocités sont commises envers le civils dans le comté de Lofa – massacres, viols, terreur. La guérilla de Charles Taylor réplique… Le sang n’a pas fini de couler au Liberia… Charles Taylor, devenu président du Liberia en 1997, sera poursuivi en 2012, le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’il a commis dans ce pays pendant la guerre civile.

Le général de brigade Thomas Quiwonkpa
meurt démembré

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Le 12 novembre 1985, un mois après la tenue des élections présidentielles frauduleusem*nt gagnées par Samuel Doe, Thomas Quiwonkpa, qui avait été dégradé de son rang de général et s’était exilé, entre secrètement au Libéria via la Sierra Leone appuyé par une vingtaine d’hommes lourdement armés. Il entend renverser par la force le gouvernement. Reprendre la tête de l’armée. Mobiliser les Gio.

Mais sa troupe est maigre. Ses soutiens faibles. Après avoir occupé la radio nationale et annoncé la chute de Samuel Doe, sa tentative de coup d’Etat échoue. Capturé le 15 novembre, il est tué et mutilé par les soldats Krahn fidèles à Doe. Ses assassins démembrent son corps. Certaines sources assurent qu’ils auraient mangé ses parties génitales. Son corps mutilé a été exposé publiquement sur le terrain du «Manoir Exécutif» de Samuel Doe à Monrovia. Par la suite, la communauté Gio va être durement réprimée par les troupes de Doe. La guerre inter-ethnique s’aggrave encore.

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